Celles et ceux qui liront ou verront représenter À l'Abbaye doivent se persuader qu'ils commettent une indiscrétion. Ils entendent et ils voient ce qu'ils n'ont pas à connaître.
On dira aussi bien que le spectateur s'introduit avec indiscrétion dans la famille d'Orgon ou dans l'intimité de Bérénice.
Le cinéma va encore plus loin. Le lit des amants fascine les caméras.
Avec À l'Abbaye, le viol de la vie privée va au-delà. Des hommes et des femmes se sont volontairement cloîtrés dans un lieu de retraite. Ils ne veulent aucun contact avec le dehors. Ils affirment leur droit à l'intimité. Des molosses les protègent contre toute intrusion.
Privilège du théâtre, vous vous glissez dans ce lieu interdit pour une découverte progressive de ce qui s'y passe. C'est l'action même de la pièce.
Si vous vous écriez ensuite : « C'est immoral ! C'est incroyable ! C'est un scandale ! » sachez que les molosses n 'auraient jamais dû vous laisser entrer.